Le noyau primitif de la nécropole est fondé en 685 H/1285 par le sultan mérinide Abou Youssef Yaâqoub (1258-1286) , puis vint le sultan Abou el Hassan (1331-1351) qui a agrandi la nécropole en l’entourant en 739 H/1339 d’une deuxième enceinte.
L’enceinte de forme pentagonale épouse la topographie du site et le circonscrit dans une superficie de 7 hectares la nécropole dynastique « le Ribat Béni ». L’intérieur est composé de 3 parties distinctes : la khaloua, le hammam et le bassin aux anguilles.
La Nécropole Mérinide
La nécropole mérinide a été aménagée en superposition et parfois même en mitoyenneté aux vestiges de la cité antique, et ce à partir de la fin du XIIIe siècle.
La Khalwa est un complexe funéraire et religieux, c’est un lieu de retrait et de méditation qui occupe la partie basse du site.
Une enceinte rectangulaire longue de 54m et large de 35m et percée de deux portes, l’une sur le côté sud-ouest et l’autre sur le côté nord-ouest, circonscrit ce complexe.
La khalwa est composée de trois entités qui sont la mosquée d’Abou Youssef Yacoub, les coupoles funéraires et la medersa.
La mosquée d’Abu Yusuf Yaq'ub est édifiée en 683 H./1284 J.C. sur un rectangle de proportions harmonieuses, large de 9.95m et long de 18.90m, soit une superficie de 188 m².
On y accède à travers une porte en arc brisé outrepassé dont les lignes sont d’une élégance exceptionnelle. Cette porte s’ouvre sur le sahn (la cour) de la mosquée que jalonnent des tombes anépigraphiques.
La salle de prière est composée de quatorze piliers en briques cuites coiffés de grands arcs brisés outrepassés supportent trois nefs parallèles au mur de la qibla. Ce dernier, dépourvu d’ornementation, est défoncé en son milieu d’un mihrab à six pans, large de 1.12m et profond de 0.90m que précédait une coupole à quatre pentes. Les travaux de restauration menés récemment dans le cadre du programme Rabat ville lumière capitale marocaine de la culture (2014-2018) ont révélé un premier mihrab à cinq pans coupés, situé en dessous de l’actuel mihrab.
Le minaret s’élève à l’angle sud-ouest du sanctuaire. Il s’agit d’une tour carrée de 2.46 de côté et de 8.25m de hauteur. Un escalier étroit, large de 0.50m permet d’accéder au lanternon effondré. La décoration y est simple et se limite, sur la face nord-ouest, à un panneau percé d’un arc brisé outrepassé enveloppé d’un second arc lobé. Au niveau des soubassements la face sud-est, s’étalait une combinaison sur enduit peint dont il ne subsiste malheureusement que quelques traces très mutilées. S’appuyant contre le mur sud-ouest de la salle de prière et portant des enduits peints simples.
La chapelle, la plus somptueuse et la mieux préservée, est celle d’Abou al-Hassan.
Construite sous les ordres du sultan, cette coupole se dégage d’une série de tombes et forme un carré de 6.00m de côté dont trois faces s’ouvrent par de larges baies sur l’enclos funéraire. Le quatrième côté présente une disposition originale qui témoigne assez de la richesse et de la splendeur d’antan de la nécropole. Une ornementation profuse s’y étale ; elle couvre les parois construites en pierres taillées soigneusement disposées et offre l’une des plus belles réalisations ornementales sur pierres datant du règne mérinide.
A l’intérieur plusieurs traces témoignent encore du soin dont a bénéficié cette chapelle. Une combinaison de marqueterie de céramique en couvrait les parties inférieures. Simple et classique, elle est surmontée de deux niches jumelées en arcs brisés bordées de deux panneaux latéraux. Ceux-ci sont ornés d’une trame géométrique encadrée d’inscriptions cursives. Une frise en étoiles à huit pointes court au-dessus ; elle annonce une coupole sur pendentifs qui couvrait la chapelle.
La Stèle d’Abou El Hassan, conservée actuellement dans les réserves de la Conservation du site, est un chef d’œuvre en marbre blanc richement décoré, elle mesure 2,16m de longueur, 0,35m de largeur à la base et 0,27m de hauteur. La stèle est brisé en deux morceaux et comportait une inscription funéraire composée d’un longue texte qui précise qu’il s’agit bien du « tombeau du sultan Abou El Hassan, mort dans la montagne de Hintâta, au environ de Marrakech, le 27 Rabi I en 752 de l’hégire qui correspond au 24 mai 1351, enterré à Marrakech et fut transporté au mausolée béni de Chellah ».
Sur la face extérieure du mausolée, côté jardin des tours, le décor se répartit en deux grands registres encadrés de deux bandeaux épigraphiques. Le premier occupe le milieu ; il reproduit une combinaison en entrelacs architectural que supportent trois arcs festonnés sur colonnettes engagées. Ceux-ci enserrent trois niches que meuble un décor profus alternant des eulogies épigraphiques et d’autres floraux à base de palmettes lisses et de rinceaux. « Autrefois coloriés et lié intimement à l’entrelacs géométrique allongé du cadre », les maillons sont ornés d’une « coquille en creux, entre deux palmes doubles adossées ».
Deux inscriptions encadrent ce registre médian. La première, en caractères coufiques, se déploie sur trois cartouches dont celui de la partie supérieure est plus large afin de surhausser la façade. La seconde se développe en caractères cursifs sur les quatre côtés. Chacun des côtés de ces bandeaux est enfermé dans une cartouche dont les rubans s’entrelacent aux extrémités et délimitent un médaillon à quatre lobes. Elle reproduit l’inscription suivante :
”La durée appartient à Allah ! A ordonné la construction de cette coupole bénie notre Maître le Sultan le très illustre, le saint, le juste, le combattant, l’Émir des Musulmans et le Défenseur de la religion, Abou al-Hassan, fils de notre Maître le Sultan le très illustre, le pieux, le juste, le combattant, le sanctifié, l’objet de la miséricorde divine, l’Émir des Musulmans et le Défenseur de la religion, Abou Said, fils du Sultan le très illustre, Abou Youssouf Iaqoub, fils de Abd al-Haqq, auprès de ces tombeaux bien gardés. Qu’Allah lui réserve la plus belle des rétributions ! Qu’Allah le dirige et qu’il le place... ! Qu’Allah accorde à notre Maître le profit de ses grands desseins !
Une frise à encorbellement à stalactites domine l’ensemble et reproduit une arcade dont les niches sont meublées d’eulogies répétitives en écriture coufique enrichie de palmettes doubles lisses. Deux consoles d’angle supportent un auvent protégeant et coiffant la façade.
Le mausolée de Shems D’ha, occupe un espace carré situé à l’angle Nord-est de la mosquée. Reliée aux coupoles par un couloir étroit, cette chapelle s’ouvre directement sur la medersa par une cour à ciel ouvert et abrite plusieurs stèles dont la stèle de Shems D’Ha.
La stèle funéraire de Shems D’ha conservée actuellement dans les réserves de la conservation du site, est une stèle façonnée en marbre blanc, mesurant 1,79m de longueur, 0,23m de largeur à la base et 0,20m de hauteur.
Les inscriptions sur la stèle funéraire de Shems D’ha nous informe qu’il s’agit bien du tombeau de la mère du sultan Abou Inan, fils du sultan Abou El Hassan. Sa mort survint dans la nuit de vendredi au samedi le 4 Rajab de l’an 750 de l’hégire et qu’elle fut enterrée après la prière de vendredi du même mois, en présence de son fils le sultan Abou Inan et des notables d’orient et d’occident qui viennent en députation pour assister à ses funérailles.
La plus important des monuments de la Khalwa est la medersa qu’annonce un minaret rehaussé de zellige polychrome. Desservie par deux accès, cette construction occupe la partie nord-est de la nécropole; elle comprend une salle de prière, des cellules sur deux niveaux et une cour à ciel ouvert.
L’oratoire, plus large que profond mesure 15.75m sur 5.80m ; il est subdivisé par des piliers en briques cuites supportant des arcs brisés outrepassés en trois nefs perpendiculaires au mur de la qibla. La nef axiale, plus large et plus élevée, aboutit au mihrab (2.10m sur 1.45m) qu’entoure un déambulatoire étroit (0.70m), longtemps vénéré par les autochtones assimilé à la Mecque et considéré comme le lieu de pèlerinages des pauvres. Un décor en plâtre fouillé, éreintés par les intempéries, offre les vestiges d’une ornementation qui couvrait les écoinçons et qui devait s’étendre à la frise du mihrab. Une tresse à trois brins encadrait une combinaison florale de palmettes lisses formant un entrelacs architectural dont les mailles sont ornées de couples de palmettes bilobées digitées.
Le minaret s’élève à l’angle Nord-Ouest de la medersa. Il s’agit d’une tour carrée de 3.75m de côté construite en pierres de taille alternées. Une baie ouverte au milieu de la façade mène à un lanternon par l’intermédiaire d’un escalier étroit (0.70m) dont les volées et les paliers sont couverts respectivement de voûtes en berceau et de voûtes d’arête.
Un quadrilatère à ciel ouvert occupe les deux-tiers de l’édifice et forme le sahn de la Medersa. Il est entouré, sur ses quatre côtés, d’une galerie soutenue par des colonnes en marbre blanc et des piliers dont il ne reste que les bases. Des cellules de forme rectangulaire (2.00m sur 2.50m) s’organisent sur les côtés latéraux tandis qu’un grand espace, probablement une salle de cour ou de réunion, fait face à l’oratoire et introduit un certain équilibre au niveau de l’organisation de la madrasa. Deux escaliers dont les traces sont encore visibles menaient à l’étage. Celui-ci devrait abriter d’autres cellules pour héberger les étudiants que desservirait une galerie à balustrade, semblable à celle des medersas al-Sabiyyin (1321-23) et al-Misbahiya (1344-46) à Fès.
Sur les façades, l’ornementation paraît, à première vue, identique. Deux arcs polylobés reposent sur des colonnettes octogonales engagées ; ils forment, sur chaque face, deux niches jumelées. De celles-ci naissent deux types d’entrelacs losangés qui s’alternent sur les quatre faces de la tour. Le traitement des motifs décoratifs obéit au même principe qui fait de la marqueterie de céramique l’élément moteur de chaque combinaison. Les mailles des faces Nord et sud sont ornées d’étoiles noires rehaussées de rubans verts. Sur celles des faces Est et Ouest se dégage un ordonnancement plus complexe. Dessinées par des rubans saillants en pierre, les mailles de l’entrelacs enveloppent un décor de zellige répétitif à base de couples de palmettes lisses bilobées dont les grands lobes s’étirent verticalement et forment un fleuron d’où se détache un bourgeon. Ainsi, l’ensemble se démarque, par l’emploi de la marqueterie de céramique, des combinaisons almohades de la mosquée de Hassan et de la Koutoubiya et introduit une vivacité qui en fera la renommée et en assurera une présence presque continue dans l’architecture marocaine post médiévale.
Au-dessus se dresse le lanternon qui, malgré sa forme disproportionnée, s’accapare une riche décoration géométrique répartie sur trois niveaux. Le premier en couvre la partie inférieure ; il reproduit un panneau de zellige que dessinent des bandes noires ponctuées d’étoiles à huit pointes. Le second occupe la partie médiane ; il consiste en une ordonnance tressée de bandes blanches qui se déploient de part et d’autre d’une niche et enserrent de nouvelles étoiles à huit pétales noires et violettes très foncées. Le dernier registre court au-dessus du précédent ; il offre une interprétation de l’étoile à huit pointes formant rosaces, identiques à celles déjà développées sur plâtre et qui précèdent la toiture ou annonce la frise en bois sculpté.
Au sud-est du complexe funéraire, se dresse le hammam mérinides, l’un des rares exemples de bains du XIVe siècle au Maroc.
Construit entre 739-59/1339-58, le hammam épouse une forme rectangulaire (28.50m sur 10.40m) et reproduit le plan classique du bain maure. Une entrée coudée aboutit à la salle de déshabillage. Celle-ci, actuellement détruite, « était formée d’une travée centrale de plan carré et de deux galeries latérales voûtées d’arêtes ».
Elle donne sur trois salles en enfilade surmontées de voûtes : une salle froide, une deuxième tiède et une dernière chaude dotée d’une niche « qui devait contenir une vasque ou une auge d’eau chaude ». Un hypocauste couvert de voûtes en arcs de cloître et un foyer aménagé sous la salle chaude assuraient le chauffage de l’établissement et en même temps l’approvisionnement en eau chaude de ses habitués.
Au sud-est de la khaloua, le bassin aux anguilles, érigé à l’origine pour servir de salle d’ablutions de la mosquée d’Abou Youssouf, est entouré de légendes.
Les anguilles qui y furent introduites sont sanctifiées ; la mémoire populaire leur attribue des barakas et les entoure d’une vénération mythique. «De nombreuses légendes » rappellent le châtiment terrible réservé à qui leur ferait quelque mal. Ceux qui s’aviseraient seulement de mettre en doute leur caractère surnaturel ou leur puissance serait pris de violentes douleurs aux jointures. Femmes et enfants leurs jettent des œufs durs, pain etc. et les prient de « conjurer le mauvais sort » et d’expulser leurs maux alors que d’autres se livrent à des rites de propitiation.
Pour que les vœux de la personne qui s’y rend soient exhaussés, elle devrait accomplir tout un rituel : d’abord donner à manger aux anguilles, ensuite visiter les marabouts des alentours et enfin se baigner avec les eaux de la source de Chellah.
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